Retour d'exposition - Objet non identifié à Galliéra

Pardon, officiellement c'est Anatomie d'une collection. Mais en vrai, nous avons échangé des regards perplexes pour conclure que nous n'avions pas compris, ni avant ni après la visite, quel était le fil conducteur de l'exposition.
Avant de venir j'avais tablé sur "Oh regardez on a de jolies robes !" - ce qui, avouons-le, manque un peu de sérieux comme intitulé pour une exposition dans un musée dans le seizième. Mais les Arts Décoratifs ont réussi à faire une exposition qui se tient à partir des mêmes prémisses, du coup je cherche encore.

Le son de cloche officiel, que je vous remets ici, ne correspond pas tellement plus au titre :
"Le vêtement se raconte à travers celui qui le porte...
Qui porte quoi ? Telle est la question posée par le Palais Galliera à travers l’exposition Anatomie d’une collection. De l’habit de cour au bleu de chauffe, entre anonymes et célébrités, l’exposition réunit une centaine de pièces de vêtements et accessoires issus du fonds Galliera pour revisiter la mode du XVIIIe siècle à nos jours."
Le tout suivi d'une longue énumération de "pyjama de Machin Célèbre Numéro 1, gigoteuse de Machin Célèbre Numéro 2", à peu de choses près.
Non, mais non, l'exposition ne "pose" aucune "question".
L'exposition assène des éléments de jet-set, s'étale baveusement sur la vie des grands de ce monde (mention nauséabonde aux émanations impériales et royalistes... punaise ça pique !). Et surtout ne se pose pas trop de questions sur les rapports entre position sociale et vêtement, la signification sociale des éléments de costume, les passages d'une classe à l'autre, les réemplois... ouhlà, ce serait trop scientifique tout ça ! Pas assez de bling-bling ! Pas assez people !
Vous êtes là pour admirer le gilet le plus inintéressant du monde MAIS qui a  appartenu à Napoléon ! Ça compense voyons... (ou pas)

Costumière Hystérique a déjà souligné la différence de traitement effarante entre vêtement du "peuple" et vêtement prout-prout. +1 de ma part.
Pour couronner le tout, l'ensemble est dans un joyeux foutoir chronologique. Je soupçonne les robes ci-dessous d'avoir été mises ensemble parce qu'elles sont de la même couleur et que ça fait joli :
Je vous passe les descriptions, du niveau poétique et scientifique d'un lycéen qui finit sa dissert' de philo sur un coin de table de bistro une bière à la main, en discutant du dernier film qu'il a vu. Quoique je pense qu'en fait, le lycéen ferait plus intéressant.
J'ai commencé à les lire, j'ai fait une rupture d'anévrisme juste après "l'émotion d'un corps disparu, évanoui...". J'ai eu le malheur d'y rejeter un œil un peu plus loin, j'ai appris que Cléo de Mérode était juste une "danseuse connue" (punaise, elle a bien réussi son opération de redorure de blason !), j'ai fait une autre rupture d'anévrisme entre le corsage de (cette pauvre, tragique, incomprise) Marie Antoinette et le (terriblement malheureux, c'est affreusement inhumain ce qui lui est arrivé) Dauphin.
Alors oui, pour se donner bonne conscience, pour amadouer des amateurs de costume un peu plus exigeants, ou pour jouer le contraste, je ne sais pas, toujours est-il que Monsieur Saillard a quand même sorti des réserves du musée quelques tenus populaires.
Vous noterez que toutes, sauf le costume de bagnard (qui n'en est pas un vrai, mais plus vraisemblablement un costume de théâtre), sont présentées en morceaux, en pièces séparées. Impossible pour le visiteur de se figurer ce que porte le commun des mortels : Galliéra ne vous le montrera pas.
A la limite vous verrez un uniforme d'infirmière. Ou une livrée. Le peuple peut exister à travers son travail, à la limite. Mais certainement pas avoir son mot à dire en matière de mode.
Maintenant que je vous ai exposé l('absence d)e fond scientifique de l'exposition, parlons un peu de la forme. Dans tous mes précédents posts sur des expos Galliéra, il y a des thèmes qui reviennent : manque d'ergonomie, inconfort, cartels illisibles, parcours problématique.
On ne change pas une équipe qui gagne.
Mais oui, ils ont gardé les faux-murs tenus par des bouts de bois ! C'est moche, c'est inutile, ça prend de la place, et ça bloque la vue sur les objets exposés sur trois côtés.
Suis-je bête aussi, je viens dans une expo de costume pour voir des costumes ! Par exemple, les deux robes avec la jolie traîne, plus haut, j'aurais bien aimé voir le devant d'une des deux. Sachant qu'elles sont coupées sur le même patron exactement, ç’aurait pu être plus pertinent que de nous montrer deux fois le même derrière...
Mais ça encore, ce n'est que le tout petit bout de la pointe du sommet de l'iceberg. Ce n'est pas très net sur la photo grand angle, mais les robes à crinoline présentées de dos sont à peu près au niveau du sol. Les autres ? Trop hautes pour le commun des mortels, limite à limite dépassée pour moi (1m78 au compteur quand même).
Cette photo a été prise monté-e sur un escabeau, ou quelque chose du genre. Et éclaircie à mort. Parce qu'en vrai, la robe de Madame Grès (premier plan à gauche, de face), c'est une masse noire dont on ne distingue aucun détail - surtout pas le plissé caractéristique.
Un bon point : les cartels sont cette fois-ci lisibles (au fond, je ne sais pas si c'est un si bon point, vu leur contenu). Même deux : il y a un peu plus de vitrines, et donc un peu moins de risques de se vautrer sur les robes.
Par contre, faut pas déconner, on a rajouté des tiroirs. Les fichus tiroirs vitrés que je maudis depuis l'expo Balenciaga.
Et le catalogue... ah mais c'est un poème une œuvre d'art conceptuelle à lui tout seul ! (quoique... c'est peut-être bien la volonté du directeur de Galliéra et de l'expo, Olivier Saillard) Robes vues de très loin, sur des cintres, à plat, voire carrément en tas, qui n'occupent pas même un dixième de la page. Des noirs complètement obscurs, sans nuance. Des vêtements pris de profil, voire photographiés posés dans les [censuré] de tiroirs et depuis la tranche.
En bref : on ne voit strictement rien.
En plus de continuer la lignée des mises en page atroces, ce catalogue est totalement inutile, même comme cale-porte (il n'est pas assez épais pour ça).
Peut-être serait-il judicieux que la direction de Galliéra envisage de consacrer du temps à mannequiner correctement les pièces, à anticiper un peu avant l'ouverture de l'exposition, de façon à présenter des photos correctes, des vêtements sur de mannequins de la bonne taille (non, "à l'époque" non plus, toutes les femmes ne faisaient pas du 34, scrogneugneu !), et un catalogue qui ne soit pas un gaspillage de papier. Ça se faisait, avant.
Toutes les photos proviennent du site du musée ou du catalogue.

C'est d'autant plus insultant pour le public que le Palais Galliéra se considère toujours au-dessus des directives du Ministère de la Culture et continue d'interdire la photographie dans ses salles. Je ressors de là en ayant mal vu des pièces mal présentées, et les mains vides de toute image ou référence que je pourrais utiliser ultérieurement. (Heureusement internet vient à la rescousse... ceci dit je n'avais pas besoin d'aller effectivement voir l'expo pour ça)

Vous l'aurez compris : je suis très en colère.
D'autant plus en colère que le Palais Galliéra a, par le passé, produit d'excellentes expositions, très riches, avec une scénographie de tueur, un parcours des visiteurs qui fonctionnait même avec un musée bondé, une ergonomie tout à fait correcte, et un vrai contenu scientifique tant dans l'exposition que dans le catalogue.
Depuis l'arrivée d'Olivier Saillard à la direction, seules Paris Haute-Couture (à l'Hôtel de Ville) et dans une moindre mesure Les Années 50 restaient d'une qualité correcte - sans pour autant arriver à la cheville des Années 20 ou de Sous l'empire des crinolines.

Se peut-il que le public soit subitement devenu bête à manger du foin pour qu'on ne lui propose plus comme argument que des paillettes et du culte de la personnalité ? J'ai du mal à le croire. En attendant que monsieur Saillard s'en rende compte aussi, allez plutôt aux Arts Décoratifs.
N'hésitez pas à relayer cet article s'il reflète ce que vous avez pensé de l'exposition. J'ose encore espérer que le public qui demande un peu plus que trois belles robes et une touche de royalisme pour apprécier une expo finira par être entendu.
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